LA FILIÈRE CSR
Gisements et performances de valorisation : des chiffres fantaisistes ou falsifiés
La volonté de transformer en CSR et d’incinérer environ 1/3 des déchets non dangereux et non inertes est la grande nouveauté que souhaite imposer l’Office de l’Environnement de la Corse par rapport au Plan actuellement en vigueur.
Entre 132 000 et 154 000 tonnes de déchets seraient destinées à cette nouvelle filière.
Le principe peut apparaître comme vertueux : brûler les déchets pour produire de l’énergie.
La réalité est tout autre : les problèmes de cette filière encore expérimentale sont graves et nombreux : selon notre analyse, ils sont rédhibitoires. Mais le Plan les passe sous silence : sur la base de simples hypothèses, sans études préalables, sans connaissance des enjeux et impacts de la filière, sans chiffres précis, les élus seraient amenés à se prononcer au hasard…
L’enjeu financier est colossal : le coût d’exploitation pouvant être estimé entre 250 euros/tonne avec une incinération en Corse (estimation du plan)…. à 600 euros/tonne (avec une incinération sur le contient) selon nos estimations.
Un marché annuel de l’ordre de 33 à 90 millions d’euros/an…..
Le tout avec des risques environnementaux majeurs et une augmentation sans précédent des transports de déchets !
PROBLEMATIQUES
Qu'est-ce que le CSR ?
Un Combustible Solide de Récupération (CSR) est un « type de combustible principalement préparé à partir de déchets combustibles, pour être valorisés énergétiquement. »
Les CSR sont composés de produits en grande partie recyclables (bois, plastiques, cartons, mousses…) en théorie difficiles à capter en centre de tri de par leur taille, leur mélange avec d’autres produits ou leur état de saleté.
Ces combustibles, fabriqués dans des usines très coûteuses, sont ensuite incinérés pour produire de l’énergie ou de la chaleur : on parle alors de valorisation énergétique.
Mais l’incinération des CSR ne nous débarrasse pas du problème des déchets. Bien au contraire : elle crée plus de problèmes qu’elle n’en résout !
Ni utile, ni nécessaire, ni obligatoire !
L’article L541-1-I-9° du Code de l’Environnement précise les conditions de recours à la valorisation énergétique :
« Assurer la valorisation énergétique d’au moins 70 % des déchets ne pouvant faire l’objet d’une valorisation matière d’ici à 2025, […] notamment en assurant la valorisation énergétique des déchets qui ne peuvent être recyclés en l’état des techniques disponibles […] et qui résultent d’une collecte séparée ou d’une opération de tri, y compris sur des ordures ménagères résiduelles, réalisée dans une installation prévue à cet effet. »
Insidieusement, le Plan présente comme acquise et indiscutable l’absence de techniques performantes de valorisation matière disponibles en Corse. Pour rappel, la valorisation matière inclut la récupération, la réutilisation, la régénération et le recyclage des déchets. En d’autres termes, le Plan abandonne la possibilité de réduire nos déchets, alors que la loi AGEC de février 2020 en fait une priorité.
Pourtant, bien des régions et villes d’Europe (Toscane, Ciudad Real, Cracovie…) se passent du CSR et fonctionnent avec des collectes séparatives très bien organisées, des plateformes de compostage et des centres de tri mécanisés très performants pour parfois atteindre 80 % de valorisation matière. Les matières valorisées sont revendues.
Seule la Corse ne connaîtrait pas ces techniques ? ERREUR !
- Malgré l’absence d’usines de tri performantes en Corse, la Communauté de Communes de Calvi montre l’exemple et présente des taux de valorisation matière avoisinant les 65 %… Sans production ni incinération de CSR.
- En 2016, l’Exécutif avait démontré ses capacités et sa volonté de se passer des CSR en adoptant des principes d’intensification et de déconcentration du tri des déchets sur les territoires. Des technologies courantes, mais performantes pour le compostage et le tri des déchets étaient alors évoquées. L’Assemblée de Corse avait même voté un « Plan d’action pour la gestion des déchets » et l’Office de l’environnement de la Corse avait produit une Étude technique et financière pour la programmation d’un centre de tri pour le grand Ouest Corse. Ces deux documents officiels montrent des moyens techniques à mettre en œuvre pour atteindre des performances de tri élevées sans recours au CSR
Ces techniques disponibles il y a 6 ans et pouvant être facilement mises en œuvre existent toujours aujourd’hui : pourquoi ne pas les appliquer ?
L'inexpliqué revirement du Président de l'Exécutif
En 2018, Gilles Simeoni lui-même expliquait les raisons conduisant à écarter l’option CSR dans son rapport N°2018/02/350 :
«La préparation de CSR à partir de déchets résiduels non recyclables relève de techniques qui ajoutent un coût supplémentaire pour différencier notamment la qualité calorifique des matières à valoriser.
Certains résidus brûlent mal et doivent aller directement en stockage. Leur combustion produit, en plus des résidus gazeux dangereux (dioxines, furanes, composants bromés), 25 à 35% de déchets solides posant de sérieux problèmes environnementaux et de santé publique, les mâchefers ainsi que les Refiom, déchets très toxiques impossibles à traiter en Corse en l’absence de centre spécialisé.
Créant un nouveau déchet à stocker, la pertinence environnementale et économique des CSR n’est pas établie. Il est très compliqué de calculer des coûts d’exploitation, leur valeur marchande n’étant pas prévisible. »
Le Président du Conseil Exécutif a raison !
Mais cinq ans après, donne t-il raison au Président de l’Office de l’Environnement qui s’apprête à brûler 154 000 tonnes de CSR par an ?
Où sont le études de faisabilité qui lui auraient permis de changer d’avis ? Il n’y en a pas !
Dans ces conditions, comment les citoyens et les élus pourraient-ils donner leur accord ?
La filière CSR : une économie pas vraiment circulaire
Le Plan prévoit de produire en Corse 132 000 à 154 000 tonnes par an de CSR d’ici 2033.
Il s’agit d’une production importante de l’ordre de 400 kg/habitant/an réalisée avec des Déchets Ménagers et Assimilés (DMA) et des Déchets des Activités Économiques et Déchets du Bâtiment et Travaux Publics (DAE/DBTP).
Le CSR est fabriqué par broyage et tri mécanisé des flux d’ordures ménagères résiduelles, des emballages, du mobilier, des bennes de tout venant de déchèteries, des matériaux récupérés sur les chantiers et des déchets multiples des entreprises, à l’exception des PVC (trop toxiques à l’incinération) et des déchets dangereux (solvants, restes de peintures, médicaments…).
Le schéma de filière CSR présenté en page 606 du plan fait apparaitre la production électrique…mais oublie la production de mâchefers et de REFIOM ! Ce n’est pas pour rien ! En effet la production électrique ou celle de réseaux de chaleur pour le chauffage sont présentées comme très positives… mais les produire avec de nombreux déchets potentiellement recyclables c’est renoncer à l’avance à un tri performant et stopper la chaine de recyclabilité des produits.
Une chaudière : qu'est-ce que c'est ?
Les Pouvoirs Publics, pour ne pas affoler les populations, parlent plus volontiers de « chaudière » que d’ « incinérateur » pour évoquer l’outil technique de production d’énergie à partir des déchets.
Peu d’éléments techniques différencient les incinérateurs d’ordures ménagères des chaudières à CSR . Des différences techniques internes aux usines sont nécessaires (modes d’introduction dans les fours notamment) mais les parties visibles pour le voisinage sont les mêmes : hall de réception des matériaux, bâtiment du four, cheminées d’une trentaine de mètres de hauteur contenant les filtres chargés de capter les produits extrêmement toxiques et dangereux contenus dans les fumées.
Il s’agit d’usines imposantes dont le coût unitaire est annoncé à 119 Millions d’euros dans le Plan.
Le Plan laisse également planer le doute sur le nombre d’incinérateurs à prévoir pour la Corse : 1 usine ou 2 usines d’incinération (dite de « valorisation énergétique »), personne ne le sait !
Les REFIOM : des bombes chimiques fabriquées a partir des CSR
Une fois incinérés, les CSR posent encore de nouveaux problèmes.
Les Résidus d’Epuration des Fumées d’Incinération des Ordures Ménagères (REFIOM) résultent de l’incinération des CSR. Il s’agit de véritables « bombes toxiques ».
Comme le décrivait le Président de l’Exécutif lui-même en octobre 2018 (rapport N°2018/02/350), le stockage de ces REFIOM est très problématique, écartant d’entrée la possibilité de recourir aux CSR :
« Créant un nouveau déchet à stocker, la pertinence environnementale et économique des CSR n’est pas établie ». A fortiori, toujours pour le citer, « au moment où nous nous engageons à ne stocker que des déchets ultimes à l’impact « neutre », il serait paradoxal de s’engager dans cette voie qui implique le stockage de déchets dangereux ».
Cinq ans plus tard, les REFIOM ne semblent plus préoccuper le Conseil Exécutif, alors que le Plan Déchets conduirait à en produire 6500 tonnes par an !
Gilles Simeoni résume bien l’inutilité du CSR : au départ, il s’agit de produits potentiellement recyclables dont on décide l’incinération. Ces produits n’ont initialement aucun caractère dangereux…Pourtant, leur incinération va provoquer l’émission de Résidus d’Épuration des Fumées d’Incinération des ordures Ménagères (REFIOM) dont le poids sera égal à 3 à 5 % de la masse entrante dans l’incinérateur !
Ces résidus – concentré de dioxines et furanes – sont classés hautement cancérigènes et neurotoxiques et sont captés dans les filtres des cheminées de l’usine d’incinération.
Ils seront enfouis dans un Centre de Stockage des Déchets Dangereux (Centres de classe 1) après une stabilisation par procédé de solidification (enfouissement dans un complexe durcissant) qui limite les capacités de diffusion dans l’environnement. Les REFIOM contiennent des polluants complexes, de nature très fluctuante en fonction des apports quotidiens de déchets dans les fours.
On dénombre ainsi aujourd’hui 210 types de dioxines issus de la combustion des déchets organo-chlorés et qui se combinent à l’infini en fonctions des apports de déchets…. Toutes ces compositions chimiques sont stables dans le temps et sont susceptibles de polluer les nappes phréatiques et l’air ambiant pendant des milliers d’années.
Un centre d’enfouissement des déchets dangereux en corse ?
Le Plan, sans hésiter, propose d’entreposer les REFIOM en Corse (page 614) : « Afin de limiter les transports de Déchets Dangereux vers le continent, il est envisagé de créer une alvéole spécifique dans un des Installations de Stockage des Déchets Non Dangereux » … sans donner d’explications sur le lieu, les contraintes géologiques et techniques qui sont pourtant extrêmement nombreuses et sévères pour ce type d’installation ! Ce problème massif est évacué en une phrase ! Le coût d’une telle infrastructure n’est même pas abordé.
Quand ceux qui ont bricolé un tel Plan Territorial de Gestion des Déchets prévoient de stocker des déchets hautement toxiques, nous sommes très inquiets !
Les MACHEFERS : des déchets d’incinération bien encombrants
- Que sont les mâchefers ?
Les mâchefers sont des résidus résultant de l’incinération des CSR. Pour 1 kilo de CSR incinérés, entre 200 et 250 grammes de mâchefers sont produits.
- Que faire des mâchefers ?
Après un traitement consistant à les refroidir et à les oxygéner pour les rendre chimiquement plus stables, les mâchefers sont analysés. Cette phase de maturation demande, elle aussi, des infrastructures conséquentes.
En France, environ 1 million de tonnes de mâchefers chimiquement non conformes pour une réutilisation sont renvoyés en centre d’enfouissement et 2 millions de tonnes sont destinés à une réutilisation sous forme de graves de sous-couche routière ou de coulage dans des bétons non structurants (sous-couches), ou dans de nouvelles applications comme la fabrication de blocs bétons, de bétons cellulaires et de carrelages.
L’utilisation routière, logiquement, est la seule citée dans le Plan : la Corse n’a en effet pas la structure industrielle nécessaire aux nouvelles applications ici citées.
Les conditions de traitement et d’utilisation des mâchefers qui seraient produits en Corse sont très sommairement exposées en pages 611 et 614 du Plan :
« Le contenu non valorisable énergétiquement se retrouve dans les mâchefers », soit entre 20 et 25 % de la masse initiale des déchets, «réutilisables en technique routière sous réserve de respecter les critères de l’arrêté du 18 novembre 2011. »
« Pérenniser la filière mâchefers : même si leurs caractéristiques respectent l’arrêté du 18 novembre 2011, les mâchefers ont une densité très élevée qui limite fortement leur transport et oblige à une réutilisation en technique routière dans un rayon géographique très limité. »
En d’autres termes : les milliers de tonnes de mâchefers produites devront être utilisées pour goudronner les routes aux alentours de Monte…
Le Plan n’aborde ni la question du lieu, des contraintes techniques ou du coût, ni même de l’existence d’une ou plusieurs unités de traitement et maturation des mâchefers ! Il s’agit pourtant d’implantations de stockage industriel de grande superficie soumises à des contraintes techniques et environnementales fortes !
Quelle quantité de MACHEFERS ? quand le plan falsifie les chiffres ...
Le Plan dit : « le contenu non valorisable énergétiquement se retrouve dans les mâchefers (20 et 25 % – sic/ndrl — de la masse initiale des déchets et réutilisables ). Nous sommes d’accord sur ce pourcentage de mâchefers par rapport à la masse initiale de CSR. C’est bien le résultat des constatations et études sur le sujet.
Observons les simulations des 2 scénarios présentés en pages 146 et 148 du Plan :
- La chaufferie CSR/DMA entrainerait la production de 6700 à 8000 t /an de mâchefers pour une quantité de CSR de 56 700 tonnes à 66 300 tonnes soit un résidu ultime de 12 %
- La chaufferie CSR DAE/DBTP entrainerait la production de 8800 à 10500 tonnes/an de mâchefers pour une quantité de CSR de 73100 tonnes à 87 900 tonnes soit un résidu ultime de 12 %
Sois total de mâchefers prévus de 15 500 à 18 500 tonnes !
Les tonnages de mâchefers annoncés sont FAUX. Leur falsification permet de diminuer artificiellement les pourcentages de déchets ultimes.
Les chiffres à prendre compte sur la base médiane de 22 % de mâchefers par rapport à la masse initiale de CSR sont les suivants :
En l’absence d’utilisation en technique routière pour ces mâchefers, le retour en Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux est inévitable : les centres d’enfouissement déjà sous tension devront donc recevoir ces déchets toxiques supplémentaires !
Le transport des CSR sur le continent en l’absence d’incinérateur en corse : une folie logistique !
Le Plan est muet sur les conditions techniques et le coût d’un transport certain des CSR sur le continent. En effet, le Plan souligne justement p 610 : « Ce phasage, et l’export provisoire des CSR produits sur le continent, nécessite cependant de mettre en place des unités plus techniques (et donc plus onéreux) permettant d’envisager la valorisation énergétique via la filière cimentière par exemple ».
Si la Corse devait supporter des Unités de Valorisation Énergétiques, le délai minimum de réalisation et de réalisation après la décision politique serait d’au moins 5 ans.
Ainsi, si les usines de fabrication de CSR de Monte et d’Ajaccio sont construites, la Corse aura à transporter en bateau puis par la route entre 132 000 et 154 000 tonnes de CSR vers des destinations inconnues, principalement en cimenterie (mais les cimenteries préfèrent aujourd’hui absorber des pneumatiques que des CSR, car chimiquement bien plus homogènes) ou en unité d’incinération sur le Continent.
S’ils ne trouvent pas preneurs, les CSR finiront-ils en Centre d’Enfouissement en Corse ?
Le transport des CSR est un véritable gouffre économique puisque le CSR est un produit très léger dont la densité est comprise entre 100 kg et 250 kg/m3.
Un semi-remorque pourrait transporter au maximum 16 tonnes de CSR avec une densité de 200 kg/m3 et 12 tonnes avec une densité de 150 kg/m3.
Cela veut dire des centaines de camions en plus sur nos routes, des millions d’euros en plus dans les poches des entreprises de transport, et autant en moins pour le porte-feuille des Corses !
Comme le montrent les tableaux ci-dessous, selon la densité des mâchefers (de 150 à 200 kg/m3), il faudra compter entre 27 et 42 camions en circulation supplémentaires chaque jour !
Nos conclusions sur la filière CSR
La mise en place de la filière CSR en Corse sur la base de simples hypothèses, sans comparaison avec d’autres filières, notamment celle d’une valorisation matière efficace, crée toutes les conditions favorables à un gouffre financier, un fiasco technique et une rupture de confiance durable entre les citoyens et les responsables politiques.
Cette filière est fondamentalement contraire au principe de base de proximité de traitement et de hiérarchisation des modes de traitement imposés par la Loi (prévention, réemploi, recyclage, et en derniers recours valorisation énergétique et enfouissement).
Elle enchaîne les Corses à un lourd impôt pour tous, élevé et sans plafond, à payer pendant des décennies.
Compte tenu :
- de l’absence de données fiables reconnues par les rédacteurs du Plan,
- des inconnues sur tous les aspects techniques et financiers liés à l’absence d’études,
- de la certitude de l’augmentation des pollutions, des transports et des coûts
- de la non-conformité juridique de la priorité donnée à cette filière
- de l’inutilité de cette filière face à des solutions efficaces de tri et de compostage
Nous demandons donc, à minima, le retrait complet de cette filière CSR du Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets de Gestion des déchets de la Corse et le retour à des solutions de tri poussé sans incinération.
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